BRICOLOGIE. LA SOURIS ET LE
PERROQUET
Villa Arson
20 avenue Stephen Liégeard - Nice
du 15 février
au 31 août 2015
Xavier Antin, Siah Armajani, Richard Artschwager,
Stéphane Bérard, David Bielander, Chris Bierl, Dominique Blais, Clément
Darnis-Gravelle, Richard Deacon & Bill Woodrow, Wim Delvoye, Liz Deschenes,
Thea Djordjadze, Marcel Duchamp, Robert Filliou, Michel François, Fabien Giraud
& Raphaël Siboni, Guillaume Gouérou, Gary Hill, Robert Hooke, Sofia Húlten,
Sergey Jivetin, Florentine & Alexandre Lamarche-Ovize, Paul Le Bras, Sol
LeWitt, Edward Light, Stephen Maas, Chris Marker, Jean-Luc Moulène, Panamarenko,
Loïc Pantaly, Emilie Parendeau, Jean-Marie Perdrix, Julien Prévieux, André
Raffray, Delphine Reist, Clément Rodzielski, Mika Rottenberg, Bernhard Rüdiger,
Barbara Schrobenhauser, Nora Schultz, Simon Starling, Yoshihiro Suda, Thomas
Thwaites, Jennifer Trask, Tarja Tuupanen, Catharina van Eetvelde, van Eetvelde
Sautour, Manon van Kouswijk, Arnaud Vasseux.
Ainsi que des oeuvres et objets
anonymes issus du Musée des arts et traditions populaires de Draguignan, du
Musée départemental de Grasse, du Musée des métiers d’antan de Tourrette-Levens,
du Nouveau musée national de Monaco, du Musée muséum départemental des Hautes
Alpes de Gap, du Musée d'archéologie site de Cimiez, du Palais Lascaris et du
musée Palais Masséna de Nice
La vieille fracture de l’art et de la
technique s’est réduite. Jamais autant qu’aujourd’hui les artistes n’ont montré
un aussi grand appétit pour le maniement des outils, l’expérimentation sur les
matériaux, l’invention des procédures, un aussi grand intérêt pour les
artisanats et les nouvelles technologies. Dans une exposition collective
réunissant plus d’une quarantaine d’artistes et des pièces issues d’autres
champs de production (arts populaires, artisanats...), les commissaires de
l’exposition, les artistes Burkard Blümlein et Sarah Tritz et l'historien de
l'art Thomas Golsenne, entendent montrer que faire, c’est penser.
Parallèlement, une seconde exposition Jippie Jaa Jaa Jippie Jippie Jaay !
avec une douzaine de jeunes artistes issus de la Haute École des Arts de l’Image
de Braunschweig témoigne de l’identité et la richesse de leur culture technique.
L’histoire des rapports entre l’art et la technique est longue et
malheureuse, dans la culture occidentale. À mesure que s’affirme la dimension
intellectuelle, spirituelle de la création artistique, sa part manuelle,
artisanale, s’en trouve dévalorisée. En même temps que se met en place dans la
société la figure de l’artiste, avec son génie et sa vie de bohême, apparaît
aussi, comme son image amoindrie, celle de l’artisan, avec ses outils et son
carnet de commandes. De ce point de vue, l’art moderne et l’art contemporain
semblent n’avoir introduit aucune rupture avec l’art ancien, mais élargir même
le fossé qui sépare l’art de la technique, l’artiste de l’artisan, comme le
montrerait le succès des procédés aussi simples que le collage cubiste, des
figures comme celle de Marcel Duchamp avec ses fameux ready made ou des
mouvements comme l’art conceptuel.
L’hypothèse sur laquelle s’appuie cette
exposition est une autre façon de raconter cette histoire. Le titre, La souris
et le perroquet, qui pourrait être celui d’une fable, est à double entente,
puisqu’il désigne aussi deux outils (la souris d’ordinateur et le gabarit de
dessinateur). Dans cette fable, ce nouveau récit, l’art moderne et surtout l’art
contemporain ont au contraire multiplié les occasions de rencontre avec la
technique. La grande diversification des supports et des médias que les artistes
utilisent depuis le cubisme et surtout depuis les années 1950 montre que ceux-ci
ont peut-être abandonné (pas tous) les techniques traditionnelles de la peinture
et de la sculpture, mais qu’ils ont ouvert leur intérêt à d’autres savoir-faire,
quand bien même ils ne les maîtriseraient pas et doivent faire appel à des
spécialistes. Certains artistes se passionnent pour les nouvelles technologies ;
d’autres revendiquent des pratiques « low tech », parfois même traditionnelles
et artisanales.
L’attitude des artistes face à la question technique n’est
plus (si elle l’a jamais été) de simple rejet ou de mépris, mais plutôt de
curiosité. Jamais autant qu’aujourd’hui les artistes n’ont puisé leur
inspiration dans tous les secteurs de production de la société urbaine.
Et
ce n’est pas étonnant : il existe depuis quelques années un mouvement général
non pas tellement de domination de l’existence quotidienne par la technique,
mais d’appropriation, par les individus, des savoir-faire, que cela soit à
travers le triomphe du bricolage (qu’on voit à travers les innombrables
tutoriels sur internet ou le succès des makers fares de par le monde),
l’émergence des FabLabs ou la médiatisation récente de l’imprimante 3D.
Par
ailleurs, les pratiques artisanales se sont elles-mêmes enrichies et sont
apparus les « artisans d’art » dans de nombreux domaines (bijouterie, verre,
céramique…) qui commencent à être reconnus comme de véritables artistes.
L’exposition La souris et le perroquet veut mettre en avant des oeuvres,
des objets et des artistes qui jouent avec les techniques : qui les inventent,
qui les détournent, qui les exhibent, qui les cachent. Elle veut offrir un
panorama culturel de la prolifération des attitudes techniciennes dans la
société contemporaines et servir de plateau où se rencontrent des artistes, des
artisans d’art, des inventeurs anonymes, des ingénieurs, des designers.
Mais
où, également, le spectateur puisse voir des objets issus d’autres époques ou
d’autres cultures, parce qu’une technique est souvent le fruit d’une
sédimentation historique ; parce que c’est l’anthropologue des techniques qui
nous fait comprendre que dans un geste technique, il y a de la pensée, il y a de
la culture.
La scénographie de l’exposition met à profit l’espace
labyrinthique du centre d’art de la Villa Arson en dessinant un parcours non
linéaire, à plusieurs entrées. C’est que Dédale, le premier ingénieur, inventeur
des automates et d’autres bricolages merveilleux, est le lointain ancêtre des
artistes bricologues. C’est qu’il faut emprunter des voies détournées pour
suivre les chemins de la technique.
Cette exposition est un projet de
l’Unité de Recherche Bricologie à la Villa Arson, qui reçoit le soutien du
ministère de la Culture et de la Communication pour quatre ans (2013-2016).
D’autres projets sont en cours de réalisation comme le numéro Essais de
bricologie de la revue d’anthropologie Techniques & Culture (parution prévue
en 2015), ou encore un projet du réseau ECART sur la céramique contemporaine.